Monsieur Le Président
Du Conseil Régional de Bretagne
283 av Gén George's Patton
CS 21101
35711 RENNES CEDEX 7
A Auray,
Le 6 avril 2010.
Monsieur le Président,
Nous avons déjà eu l’occasion de nous rencontrer lors des derniers vœux de la
Communauté d’Agglomération du Pays de Lorient. Nous avions évoqués, ensemble, les difficultés que traverse la profession ostréicole.
Notre immense détresse nous incite à vous adresser ce courrier..
« L’Ostréiculture Française ou la chronique d’une mort annoncée ! »
L’ostréiculture française, 40 000 emplois directs et indirects, premier producteur d’huîtres en Europe, quatrième au niveau mondial, avec environ 130 000 tonnes de production annuelle, subit depuis deux ans une crise sans précédent.
En effet, déjà depuis plusieurs années, de façon dispersée sur le littoral français, les élevages enregistraient, de façon croissante, des pertes variables de naissains (bébé huîtres d’un an) d’huîtres creuses (crassostréa gigas).
Depuis juin 2008, et de nouveau au printemps 2009, c’est la totalité des concessions ostréicoles françaises qui sont touchées, anéantissant de 60 à 100 % des naissains.
Nous savons déjà que d’ici la fin de l’année 2010, de nombreuses entreprises n’auront plus de stock et en 2011 la quasi-totalité des 3000 entreprises françaises seront en cessations d’activité faute de produits.
Nos représentants professionnels, Sections Régionales de la Conchyliculture et Comité National de la Conchyliculture, sont en négociation avec vos services et aussi avec les services de l’Etat. Malheureusement, nous constatons que nos appels ne sont pas suffisamment entendus, pour ne pas dire écoutés, et que certains services ne réalisent pas la gravité de notre situation. Aujourd’hui, les réponses des services de l’Etat sont totalement inadaptées !
Notre profession est en péril ! Des générations entières sont appelées à disparaître. Mais nous n’entendons pas être rayés de la carte sans réagir.
Nous venons de constituer une association syndicale que nous appelons « Comité de Survie de l’Ostréiculture ». Notre but est de défendre, par tous moyens, les intérêts des ostréiculteurs dont l’avenir est, aujourd’hui, clairement menacé.
Nous avons laissé nos structures professionnelles (SRC et CNC) traiter le sujet jusqu’à présent, mais la faible prise de conscience de la part des collectivités locales nous a conduit à prendre notre destin en main. Depuis octobre, et après avoir rencontré différents élus, nous avons demandé qu’une grande réunion soit organisée entre les politiques (Ministres de l’agriculture et de la Pêche, des finances, de l’écologie, …, Sénateurs, Députés, Conseillers Régionaux et Généraux concernés par l’ostréiculture), les grandes administrations (les ministères) et la profession pour mettre à plat les difficultés de la profession et mettre en place les mesures que nous revendiquons, en vain (cf. revendications ci-jointes).
Même si demain la raison des mortalités est trouvée, même si demain une huître « miracle » est découverte, on ne peut pas imaginer un instant rester sans revenus jusqu’en 2014-2015 ! Car il faut trois ans minimum pour produire une huître, sans assurance d’un quelconque succès. Même si une huître miracle assurait de nouveau une production, l’effort de reconstitution de stock serait énorme, qui plus est, sans revenus !
Nous devons donc travailler sur deux tableaux :
- Assurer un avenir aux entreprises et aux entrepreneurs qui sont des victimes
- Découvrir l’origine réelle de ce mal, et le faire assumer aux éventuels responsables
Assurer l’avenir, c’est ce qui figure dans notre cahier de revendications. Nous entendons défendre coûte que coûte nos propositions car nous avons l’intime conviction d’être juste dans notre démarche. Les annonces d’aides des services de l’Etat et des Régions sont insignifiantes. La réponse de ces services est inadaptée à notre problématique. Comment voulez vous vivre sans revenus ? Les sommes annoncées sont dérisoires et uniquement ponctuelles. Alors que les aides avoisineraient une trentaine de millions d’euros, nous avons estimé les besoins annuels réels à 300 millions d’euros minimum, en attendant de retrouver une production rentable !
Découvrir l’origine réelle du mal qui touche nos huîtres.
En effet, là encore nous pensons être les victimes d’une accumulation de facteurs dont bon nombre sont hélas financiers.
La qualité des eaux (responsabilité de l’Etat) se dégrade, ce problème a été moult fois relevé par l’Europe. Nous battons les records d’épandage de produits phytosanitaires, nos réseaux d’eaux usées sont saturés et obsolètes, … Les résultats d’analyses deviennent de plus en plus alarmants. Le déclassement sanitaire, en cours, des zones de production conchylicoles en est la preuve.
Voilà donc, en quelques phrases, le résumé d’une situation peu reluisante. Les pouvoirs publics ne prennent pas en compte la ruine vers laquelle nous nous dirigeons. Déjà de nombreux collègues sont en état de cessation d’activité, les licenciements se multiplient,...
Le problème est si complexe qu’il nous dépasse et nous ressentons la triste impression d’être abusés et cruellement orphelins. L’enjeu pour la profession ostréicole est national. Comme souvent, le secteur primaire est la première victime d’un système obscur et complexe. Avec ici un élément différent du problème agricole, c’est que la mer est ouverte, les problèmes intraitables dans un milieu contaminable.
Depuis octobre, nous réclamons l’organisation d’une réunion tripartie pour, qu’une fois pour toute, nous vous (vous : Elus et grandes administrations) fassions comprendre l’ampleur réelle des dégâts, que nous vous exposions notre vision de l’avenir et que les mesures de soutien à la filière soient celles correspondantes à la fin d’une profession. Car les aides annoncées jusqu’à présent sont valables dans le cadre d’une perte ponctuelle, mais ici le problème est bien plus grave !!!
Nous sommes également disposés à vous accueillir pour vous faire découvrir notre profession et vous expliquer clairement nos problèmes.
Notre ressentons l’impression d’être sur un tapis roulant qui nous pousse inévitablement vers un précipice sans aucune autre possibilité pour l’arrêter que celle d’avoir un soutien massif de l’Etat et des collectivités par la seule volonté des élus.
Dans quelques semaines pour certains, dans moins d’un an pour la majorité d’entre nous ce métier, faute de stock, n’existera plus. Le travail de générations entières sera réduit à zéro.
Nous souhaitons donc vous rencontrer rapidement en compagnie d’Isabelle Thomas et de Thierry Burlot afin d’évoquer ensemble la situation actuelle et future de l’ostréiculture. Nous souhaitons aussi vous avoir à nos cotés pour qu’entre régions littorales, vous fédériez vos collègues présidents d’un soutien massif et collégial envers notre profession.
Certains de l’intérêt que vous allez porter à notre demande d’audience, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Président, l’assurance de notre plus profonde détermination.
Pour le Comité de Survie de l’Ostréiculture
Le Président
Renan HENRY
56470 SAINT PHILIBERT
renan.henry@wanadoo.fr
06.62.86.00.52.
PJ : Cahier de revendications, dernier communiqué du CSO